De nos jours, tout le monde « fait de la méditation » et presque tout peut être une « méditation ». Du coup, on n’a plus aucune idée de ce que les yogis des temps anciens, il y a plus de 5000 ans dans l’Inde védique, appelaient méditation.
La méditation est le cœur du Yoga.
« Le but du yoga est d’accéder à la connaissance par la perception directe. Le yoga est une science de la vie d’une portée tout à fait pratique. Il ouvre l’esprit à l’expérience directe du domaine de l’Être absolu mais également à celle de tous les niveaux de la création relative. »– Maharishi Mahesh Yogi
Les Yoga Sūtra de Patañjali sont le texte de référence du Yoga.
Je vous propose une exploration de ce texte pour essayer de comprendre ce que les yogis entendaient par méditation.
Nous devons commencer par « remettre le Yoga sur ses pieds » !
Maharishi a montré comment les Yoga Sūtra, comme la plupart des textes védiques, ont été mal interprétés depuis des siècles et comment cette mauvaise interprétation est une immense perte de sagesse pour le monde.
Patañjali a décrit huit membres du Yoga (Aṣṭāṅga Yoga = aṣṭa signifie huit et aṅga membre) qui ont été souvent interprétés à tort comme les étapes du Yoga, l’étape finale étant Samādhi, la pure conscience, débarrassée de toute activité mentale.
Maharishi a expliqué que la réalité du Yoga est l’opposé : Samādhi est l’état de Yoga lui-même. Le Yoga commence par l’expérience de Samādhi !
La maîtrise du Yoga, ou la réalisation complète de l’état de Yoga, est Nitya Samādhi, Samādhi perpétuel, la pure conscience vécue en permanence, la conscience cosmique, l’illumination, l’élimination de la souffrance, le Nirvana de Bouddha.
La méditation (Dhyāna) est au cœur du Yoga parce que c’est elle qui mène à Samādhi.
La mésinterprétation des Yoga Sūtra est due en partie à la perfection de l’exposé de Patañjali qui, dans un texte très concis, à la fois présente ce qu’est l’état de Yoga, et laisse voir en filigrane les méthodes qui permettent d’accéder à l’état de Yoga.
Pourtant, si Patañjali parle de huit membres (Aṣṭāṅga) du Yoga, ce sont bien des membres qu’il faut comprendre en priorité, et non des étapes. Ces huit membres sont comme huit sphères de la vie.
Patañjali commence par décrire les plus extérieurs pour aller vers les plus intérieurs.
À titre d’exemple nous allons voir quelques-uns des membres du Yoga.
Yama, le premier membre représente la sphère du Yoga qui englobe l’individu et son environnement. Il traite donc du comportement. Les deux premiers éléments de Yama sont Ahimsa, la non-violence et Satya, la vérité.
Patañjali ne demande pas qu’on pratique la non-violence et la vérité. Il explique que ce sont les deux premiers attributs de l’état de Yoga dans la sphère du comportement.
Non-violence
Quand quelqu’un vit l’état de Yoga, la non-violence est un trait de son comportement. Pour lui, aucune situation extérieure ne justifie un comportement violent.
Vérité
Patañjali ne demande pas qu’on dise la vérité. Il est naturel de dire la vérité pour tout le monde. Ici le mot vérité indique que celui qui vit l’état de Yoga, vit la vérité au sens le plus profond, ce qui ne change jamais, la réalité absolue de la vie. Cette réalité non changeante est le Soi, l’Être.
Niyama, le deuxième membre du Yoga. On y trouve contentement et pureté, qui sont deux attributs de l’état de Yoga dans la sphère de l’individu.
Asana, le troisième membre du Yoga. C’est la sphère des membres du corps. Dans l’état de Yoga, la posture est stable et confortable. Ce sont les mots de Patañjali pour définir Asana.
Nous allons passer sur les autres membres du Yoga pour aller aux plus intérieurs qui nous intéressent particulièrement : Dharaṇa, Dhyāna et Samādhi.
Voici comment Patañjali les définit :
Dharaṇa est l’attention sur un lieu.
Dhyāna est le continuum de l’attention sur ce lieu.
Samādhi : l’objet d’attention est comme vide de sa forme, ce qui reste est la lumière de la conscience.
Samādhi est donc bien l’état de Yoga, la pure conscience.
Dhyāna est la méditation. Elle permet de passer de Dharaṇa, l’attention localisée, à Samādhi, l’attention délocalisée, illimitée, la conscience consciente d’elle-même, auto référente, le Soi.
Petite subtilité importante : Patañjali ne définit pas Dharaṇa par « attention sur un objet » (comme une pensée ou une perception) mais « sur un lieu ». Il parle donc de la conscience localisée, caractéristique de l’état de conscience de veille.
Pourquoi Patañjali ne décrit-il pas plus en détail Dhyāna, la méditation, puisque elle est si importante ?
Premièrement, parce qu’un Sūtra est un condensé de connaissance qui a pour but d’être mémorisé.
Deuxièmement, la méditation n’a jamais été expliquée dans des textes.
C’est un enseignement de maître à disciple, beaucoup trop raffiné, subtil, intime, pour être expliqué dans des textes, et qui passe par une initiation.
À titre d’exemple, dans un autre texte capital du Yoga, le Yoga Vaśiṣṭha, où le sage Vaśiṣṭha enseigne le Yoga au prince Rama, il parle toujours de la méditation en ces mots : « médite comme tu as appris » ! Alors que c’est lui-même, Vaśiṣṭha, qui a enseigné la méditation à Rama, à aucun moment dans le texte il ne dit comment méditer.
Dans les Yoga Sūtra de Patañjali, bien que la définition de la méditation soit très succincte, la perfection du texte et le choix des mots permettent à qui a déjà fait l’expérience de Samādhi, l’état de Yoga, par la méditation, de voir que Patañjali, dans chacun de ses mots décrit la technique elle-même.
Les Yogas Sūtra sont en réalité un aide-mémoire pour le yogi, et c’est ce que nous allons voir maintenant.
Chaque mot est analysé d’une part en terme de l’état de Yoga lui-même, et d’autre part en terme de la méthode pour atteindre l’état de Yoga.
Dharaṇa, l’attention fixée sur un lieu (ce lieu peut être un objet, une pensée…) :
– Pour celui qui a atteint l’état de Yoga, maintenir l’attention fixée sur un lieu est naturel. Son esprit ne vagabonde plus. C’est précisément la définition du Yoga par Patañjali : le Yoga est l’arrêt des fluctuations du mental.(1.2)
– Et en terme de la pratique pour atteindre l’état de Yoga, Patañjali nous dit : on commence par porter notre attention sur un lieu, une chose, une pensée. C’est tout.
Dhyāna, la méditation.
– En terme d’état de Yoga (dans la sphère entre l’esprit actif et la pure conscience silencieuse), le mot méditation indique que cette sphère est caractérisée par un continuum de l’attention, de la conscience.
– Et en terme de la pratique de la méditation, ce continuum de l’attention décrit un courant de la conscience, d’un objet limité vers l’illimité de la pure conscience. Comme la rivière qui coule vers l’océan.
Samādhi, la pure conscience est à la fois l’état de Yoga, et par son expérience répétée dans la méditation, il est la pratique qui conduit à stabiliser la pure conscience dans l’activité.
La première déduction qu’on peut faire de ces trois mots, est que pour passer de l’attention, ou la conscience, limitée à un lieu (Dharaṇa) à l’attention sur l’illimité, la pure conscience (Samādhi), il faut que dans ce continuum d’attention (la méditation), deux choses se passent simultanément :
- que l’objet d’attention devienne de moins en moins présent,
- que la conscience, la lumière de la conscience, devienne de plus en plus présente, dominante.
Et c’est donc ce qui caractérise la méditation : l’objet d’attention, le mantra, s’évanouit, disparaît, et la conscience s’élargit, brille de plus en plus. La « lumière » de la conscience et son « goût » qui est Ānanda, la béatitude dominent de plus en plus.
A ces mots, tous ceux qui pratiquent la Méditation Transcendantale doivent sourirent, parce que c’est précisément l’expérience qu’ils font.
Une autre déduction que l’on peut faire de la définition par Patañjali des mots Dharaṇa et Dhyāna, l’attention sur un lieu et le continuum de l’attention sur ce lieu est : comme tout le monde sait que l’esprit vagabonde toujours, et qu’on ne peut pas le maintenir en place par la force, il doit y avoir un truc pour réaliser cette stabilité de l’attention sur un objet, et ce en continu.
Le truc, c’est l’analogie du chien qu’on aimerait voir rester devant la porte : soit on l’attache, soit on lui donne à manger, on lui donne ce qu’il aime.
C’est la même chose dans le cas de l’esprit : pour qu’il soit maintenu, focalisé sur un objet, et en continu, il faut que l’objet de son attention lui apporte ce qu’il recherche : le bonheur, de plus en plus de bonheur.
Et là, je vois encore une fois un sourire sur le visage des gens qui pratiquent la Méditation Transcendantale parce que c’est précisément leur expérience.
Toute la subtilité de la technique de méditation, qui n’est pas décrite dans les livres, consiste à permettre l’esprit de quitter le niveau superficiel, grossier de la pensée, et de commencer à faire l’expérience d’un niveau plus raffiné. Ce niveau étant plus agréable, l’esprit est charmé, et continue dans cette direction, vers de plus en plus de raffinement, parce que les niveaux plus subtils de la pensée sont plus agréables, de plus en plus agréables.
Donc, vous voyez comment la méditation décrite par Patañjali dans les Yoga Sūtra, même s’il ne dit pas grand-chose, implique précisément l’expérience que vous faites dans la Méditation Transcendantale.
Le mot méditation décrit ce continuum de l’attention sur le mantra, l’objet, le son, de plus en plus raffiné, jusqu’à le transcender. Et cette expérience de transcendance est Samādhi.
Les mots « méditation » et « transcendantale » sont la traduction précise de « Dhyāna » et « Samādhi ».
Mais il y a encore, dans la simple définition de ces trois mots : Dharaṇa, Dhyāna, Samādhi, des trésors que je vous laisse découvrir…
Avec le temps, ceux qui ont pratiqué régulièrement la Méditation Transcendantale pourront y trouver des détails précis de leur technique, et vous verrez qu’encore une fois, les textes sont une validation de la connaissance acquise par expérience directe, et ne constituent pas un enseignement. L’enseignement reste oral, de maître à disciple.
– Contributeur Bertrand Canac
Professeur de Méditation Transcendantale certifié (site http://mt-alpes.fr), ancien membre du Purusha, il a participé à de nombreux projets internationaux, en Afrique, en Amérique Latine.
Vous pouvez retrouver ses articles sur son blog (http://www.sagessevedique.com)
Pour aller plus loin
Maharishi – La réalisation du Soi
Transcendance, éveil, et conscience d’unité
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