Extrait de la Bhagavad-Gita v10. Ch VI
“ Que le yogi se recueille constamment en lui-même, demeurant dans un lieu isolé, seul, l’esprit et le corps maîtrisés, n’attendant rien, sans possessions. “
Extrait du commentaire de Maharishi :
“se recueille en lui-même” signifie qu’il médite…
Le terme “yogi” ne signifie pas ici le yogi accompli. Le yogi accompli n’a en effet plus besoin de continuer la pratique qui est nécessaire pour atteindre un état plus élevé de l’évolution car il l’a déjà atteint. Comme il est dit que cette pratique est nécessaire, le terme “yogi” désigne dans ce contexte l’aspirant au Yoga. Le terme “yogi” désigne cependant quelqu’un qui a atteint un état d’Union. Par conséquent, ce terme se réfère dans ce verset à celui qui a déjà réalisé l’état de conscience-du-Soi ou samadhi mais n’a pas encore atteint la conscience cosmique ou nitya samadhi (ou jivan-mukti). Ce yogi-là doit se consacrer tout entier à sa pratique de manière à rendre la conscience-du-Soi permanente. Il doit l’établir si profondément dans la nature de l’esprit que même lorsque celui-ci se trouve engagé dans le domaine de l’expérience relative, il ne se trouve jamais en dehors de l’état de l’Être. L’état obtenu est alors l’état de conscience cosmique, l’état du yogi accompli…
“N’attendant rien” : le Seigneur après avoir déclaré que l’aspirant doit se recueillir constamment en lui-même dans un lieu isolé, souhaite ensuite le prémunir contre toute tendance à attendre quelque chose. Le processus de recueillement ne doit pas s’accompagner de l’espoir d’atteindre un état plus avancé ou d’obtenir une expérience particulière. Il doit être absolument dénué de tout espoir à atteindre le but. Cette expression transpose l’enseignement du verset 47 chapitre II au niveau de la méditation : “Tu n’as de contrôle que sur l’action, jamais sur ses fruits”.
Cet avertissement de ne pas attendre quelque chose est très important. Quand l’esprit fait l’expérience d’états plus subtils de la pensée sur le chemin de la transcendance pendant la méditation, il s’engage sur la voie du charme croissant. Toute tendance à attendre ou à espérer quelque chose ne peut qu’écarter l’esprit de ce chemin. L’esprit par nature, n’aime guère qu’on le fasse dévier de la voie du bonheur croissant. Cela crée donc une tension. L’attente de quelque chose ne réussit qu’à rendre l’esprit malheureux. Des tensions sont de ce fait créées également dans le corps. C’est pour cette raison que le principe de ne rien attendre pendant la méditation est préconisé ici.
“Sans possessions” : la méditation est un processus par lequel l’esprit se tourne de la conscience des possessions vers la conscience de l’Être. Du point de vue des possessions, c’est le moyen d’accéder à un état dénué de possessions; le Soi est laissé seul avec Lui-même. L’esprit perd la conscience de l’environnement ainsi que celle du corps, amenant tout naturellement le yogi à ne plus avoir conscience de posséder quelque chose. Le Seigneur mentionne le fait d’être “sans possessions” pour indiquer que rien n’est nécessaire à la méditation, car tout le processus repose sur la tendance naturelle de l’esprit à se tourner vers un domaine de plus grand bonheur, et qu’en même temps ce processus conduit à un état où toute chose est abandonnée d’elle-même.
Cette expression indique également que l’on doit méditer en étant disposé à se détacher de toutes choses. Quand la conscience des objets extérieurs commence à s’estomper, on ne doit pas se mettre à regretter cette perte. Quand le yogi commence à méditer, il ne doit pas s’accrocher à quoi que ce soit. L’esprit libre il doit aller vers l’Être et être, éveillé en lui-même et oublieux du monde. Ainsi il possèdera le Soi au milieu des possessions du monde. L’expression “sans possessions” désigne l’état de l’Être.
Quand le Seigneur dit : “n’attendant rien, sans possessions”, Il veut montrer à Arjuna ce qui arrive naturellement à l’esprit pendant la méditation. Ce serait une erreur de s’efforcer de ne pas espérer ou de ne pas désirer, ou de ne pas s’accrocher aux possessions lorsque l’on est assis pour méditer. Car en essayant cela, l’esprit serait engagé dans la pensée des possessions et des autres objets de désir dans le but de les oublier. Essayer d’oublier revient à se souvenir de ce que l’on cherche à oublier. Il faut donc éviter une telle attitude car le processus de méditation ne progresse pas sur la base de l’oubli du monde des possessions, de l’oubli du monde objectif, matériel et superficiel, mais sur la base de l’accès aux domaines d’expérience plus subtils. La tentative d’oublier est fondée sur le dégoût ou le rejet, alors que l’expérience spontanée des domaines de pensée plus subtils pendant la méditation repose sur cette acceptation volontaire qui est la tendance naturelle de l’esprit lorsqu’il se dirige vers un bonheur croissant sur la voie de la réalisation-de-Dieu.
Ce verset décrit les caractéristiques de la méditation, de la pratique qui conduit naturellement l’esprit à la conscience transcendantale, puis à la conscience cosmique grâce à l’infusion spontanée de l’Être dans l’activité. Ce verset ne doit pas être interprété comme enseignant un mode de conduite pour la vie en général. Il ne préconise pas un retrait monacal hors de l’activité. Il ne doit pas être compris comme exigeant du yogi qu’il s’éloigne de la société, restant seul avec lui-même, n’attendant rien, ne possédant rien.
Si une distinction n’est pas clairement établie entre le temps de méditation et celui passé en dehors de la méditation, ce verset et les versets suivants peuvent être très mal interprétés.
Source : La Bhagavad Gita, nouvelle traduction commentée, chapitres 1 à 6
Pour aller plus loin
La Bhagavad Gita avec commentaires de Maharishi.
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